Tu grouilles de monde, tu t’agites, tu cries, tu circules, tu vends, tu te salis.
Ho Chi Minh, tu ne dors pas assez.
Tes rues sont larges et envahies de tant de millions de roues que pour les traverser il nous faut faire confiance à tes citadins, et ponctuer l’épreuve de plusieurs pauses au milieu de leur émeute.
Tes trottoirs ne servent pas qu’aux piétons, ils sont l’alternative naturelle de ceux qui regrettent la constance de tes embouteillages, et l’inégal service de ta signalisation.
Ho Chi Minh tu es imprudente.
Tes vendeurs de noix de coco fraiches nous attrapent à chaque coin pour nous les vendre plantées d’une paille pour une somme modique, le dos trempé de sueur, affaissé par leur charge. Tes gargotes ne s’éteignent jamais, elles fument de nouilles, de riz, de viandes grillées, de poissons et leurs tables sont toujours pleines.
Ho Chi Minh, tu es exubérante.
Tu vis la nuit plus follement que le jour, en ouvrant tes marchés sur tes pavés dans un désordre de lumières et de bruits. Tes vendeurs ne connaissent que quelques mots d’anglais pour nous soutirer un regard, et tes parcs abritent de minuscules tabourets où l’on rase le sol pour boire un thé glacé sans que l’effervescence ne retombe.
Tu nargues tes bâtisses minuscules oubliées dans des lacets invisibles du haut de tes tours de verre où les étages respirent, tu laisses le luxe faire face à la misère, tu laisses tes quartiers s’opposer d’un bloc à l’autre.
Ho Chi Minh, tu es contradictoire.
Parfois dans tes artères, l’on croise quelques pierres coloniales, vestiges d’une occupation qui t’a laissé un peu de son architecture. Tes rues sont perpendiculaires et tes bars occidentaux.
Ho Chi Minh, tu as été Française un jour.
Te souviens tu du temps où l’on t’appelait Saïgon ? Avant que ton pays ne fasse qu’un, avant que la guerre ne te passe sur le corps en y laissant ses meurtrissures. Pour les anciens tu restes la même,dans ton indiscipline et ta fureur que rien n’a dompté, pour eux, tu seras toujours Saïgon.
Il n’y pas si longtemps que ton pays s’est relevé, et dans ton musée qui s’y attarde, nous regardons les assauts du monde sur tes terres, nous regardons l’humain dans toute sa cruauté avec des élans de nausées tant il a en ce domaine d’innommables ressources. Du Nord au sud, le vietnam a été lapidé avec une logistique étonnante de moyens, et tu nous racontes en images l’abjection de ce passé.
Si 3 millions sont morts en 20 ans de conflit avec cette Amérique lointaine, 2 millions furent blessés, mais l’abomination des armes employées tient au fait qu’encore aujourd’hui, les vietnamiens en essuient les conséquences puisqu’elles les ont estropiés jusque dans leurs gênes. La guerre a été chimique, psychologique, meurtrière et ne s’est toujours pas éteinte, elle a parsemé la vie de ce pays de toutes ses braises encore brûlantes.
On a rasé la nature et égorgé ses occupants. Le Vietnam se défendait en mangeant du manioc avec aux pieds des sandales en caoutchouc, pendant que l’agresseur sortait tout juste de ses campus.
Et si frêle que fût le vietnamien il s’est relevé, parce que personne ne connait comme lui les herbes géantes de ses contrées, les tunnels de ses sous sols qui l’abritaient et les dangers de sa jungle.
Ton pays donne des frissons d’avoir tant vécu.
Dans les quelques manufactures qui t’entourent, les blessés de guerre employés sont à l’image des coquilles d’oeufs qu’ils travaillent sans relâche : brisés par la main de l’homme et remodelés pour leur rendre un peu de vie.
Ho Chi Minh tu es capitale, et tu m’as raconté tout ça.
On s’immerge chez toi avec appréhension et l’on doit t’apprivoiser pour apprécier ton bouillonnement. Tu n’es pas reposante mais tu vis plus que tes voisins comme pour rattraper un peu de ce retard que ton histoire t’a infligé.
Tu te nourris de notre égarement et l’on finit par se laisser faire.
Ho Chi Minh, tu es bouleversante.
Coucou Marine.
Je reprends la lecture de ton blog et voilà que je decouvre que tu fais des alexandrins !
C’est toujours aussi agréable de te lire !
J’ai partagé quelques articles avec ma belle mère qui connait bien ces lieux que tu decris si intensément,et je pense qu’elle s’y est revue !
Tu as sûrement gagné une nouvelle lectrice …
Bises à toi et continue !
Et oui Fabrice, je m’amuse avec les mots de temps en temps !
Contente de voir que le cercle des lecteurs s’agrandit !! J’espère que ce récit lui rappellera de beaux souvenirs.
Je vous embrasse
bouleversante en effet, la description aussi décrire l’indescriptible est un vrai tour de force
Bises
Merci beaucoup c’est gentil et ça me fait plaisir de savoir que ce que je vis peut se transmettre par les mots.
Cette ville donne le tournis, j’ai adoré m’y perdre.
A très vite !
Bisous Cambodgiens (et oui déjà…)
Fan de ce film , je retrouve en te lisant une atmosphère envoutante et une beauté rare. Il ne manque plus que la voix troublante de Jeanne Moreau…
je te suis pas à pas
Si mes mots sont capables de toucher un peu au monde de Jean Jacques Annaud, l’expérience est plus que magique…
Ne nous arrêtons pas en si bon chemin, je t’emmène au Cambodge !