Comme deux soeurs urbaines qui se tiennent la main, ces deux villes signent la partition du Cambodge avec une patte singulière.
Sur les lattes de bois du marché de Kep, ce sont des centaines de crabes qui se débattent dans les paniers d’osier que l’on fouille d’une main experte pour en tirer le plus vigoureux.
Sortis des eaux au seul moment où vous en exprimez le désir, ces pièges à pinces vident la mer sur les braises de barbecues de fortune qui finiront d’ajuster votre déjeuner face à cette mer trouble qui en a fourni l’essence.
On goûte la fraicheur maritime au beau milieu des échoppes de ce quai qui grouille d’une agitation constante mais épisodique, se rythmant sans doute avec l’élan des vagues.
La seule route vivante de Kep longe les rives en prolongeant ce port, place stratégique pour les familles de singes qui suivent des yeux les restes que vous pourriez leur offrir.
Il règne ici la langueur d’une vie très douce, où l’on oublie de compter les heures, où l’on s’offre le spectacle d’un soleil qui s’endort sur une plage de sable fin.
Le crabe de Kep accuse sa notoriété, mais elle ne dénature en rien cette place tranquille où l’on en fait commerce, étroite et bordée d’eau. Par un contraste saisissant, la ville s’oublie dans les montagnes quand notre regard se détourne.
La nature nous encercle par toutes ses facettes.
D’un trait d’union de terre rouge et en quelques coups de volant, l’on rejoint Kampot, plus étendue mais tout aussi paisible.
On y trouve la saveur parfaite pour relever ses crustacés: son poivre se décline en trois couleurs et toutes font l’objet de kilomètres de stands dans les marchés surpeuplés. Les senteurs sont accrues par l’étouffante atmosphère de ces allées confinées où se côtoient les viandes et les poissons, les légumes et l’exotisme des fruits.
La cohue locale ne bouleverse que vous, l’hygiène discutable ne heurte que vos acquis, mais à Kampot plus qu’ailleurs personne ne prête attention à votre immersion.
En sortant la tête de ce hangar trop fréquenté, les maisons coloniales y font figure de ruines tant leurs façades sont ternies alors que les plantations de poivre lui donnent tout son attrait.
Dans les rues bouillantes, les femmes comme partout en Asie, livrent bataille contre les affronts du soleil. Les mains sont gantées, les pieds parés , les jambes habillées, les bras protégés.
Nous étouffons visiblement chacun sous différentes latitudes…
Et puis une halte, comme un paradis qu’il faudrait garder secret mais que la beauté nous oblige à mentionner : Rabbit Island.
N’attachez point de confusion à son nom, elle n’abrite ni lapin ni électricité.
Une embarcation de bois nous mène jusqu’à son sable en vingt minutes de traversée d’une mer tranquille depuis l’embarcadère qui se dessine au milieu de nulle part.
Hamacs, palmiers, bungalows, nul autre mobilier, et le lieu ne vous rend pas apte à en apprécier davantage. Un calme perdu au milieu d’une eau turquoise où l’on abandonne les aventuriers d’un jour.
A l’ombre de la flore, on jette un coup d’oeil à l’horizon où l’on reconnait au loin les berges de Kep, devinant ses crabes qui s’y débattent.
Derrière elles, ce sont toutes les épices de Kampot qui nous reviennent en mémoire.
Quelque part au Sud Cambodgien le temps s’organise autour de cette seule nature, on en capture timidement toutes les saveurs et puis l’on s’éclipse en ayant bien pris soin de s’en souvenir longtemps.
Le crabe et le poivre, ou deux destins qui ne croisent pas que dans l’assiette…, merci de les réunir dans ce beau conte environnemental
merci à toi de me lire toujours avec autant de constance.
La nature ici est surprenante, c’est un défi de tenter de la retranscrire fidèlement.
Ça me rappelle tellement de bons souvenirs. Tu mets des mots sur mes pensées!
quel honneur d’entrer dans ta tête Evie !!!
J’imagine bien que ce sont des souvenirs magnifiques, c’est un bonheur de les vivre à mon tour.
A très vite
J’avais presque oublié votre blog! Pris entre les événements et des lectures philosophiques hors du temps. Donc je vous lis à nouveau. Avec plaisir. Et, après quelques gammes au saxophone, je retourne dans Matière et Mémoire de Bergson.
Là tout n’est pas que luxe calme et volupté. Mais j’aime infiniment la rigueur de pensée. Aussi.
qui l’eut cru q’un jour je serai une alternative de lecture à Bergson…
Je lui laisse le luxe et je prends le calme, je lui laisse l’ordre et je prends la beauté.
Cela devrait faire de nos écrits quelques distractions opposées.