Parce qu’il faut conclure parfois à contre coeur, l’aventure prend le ton de la nostalgie.
Il y a trois semaines déjà que votre regard se porte sur mille sourires, ceux de ces enfants qui rayonnent dans une vie qui oublie d’être douce. Trois semaines qui sont passées comme une tempête de vent, rapide, brusque, mouvementée, déterminante. Au temps de l’accalmie on compte les effets de son passage.
Pendant trois semaines tant de regards se sont croisés. La beauté de l’expérience n’a pas occulté la rude réalité mais si pour ce précieux temps trop furtif nous avons pu l’oublier, l’aventure est devenue leçon de vie.
Nous avons goûté le Cambodge dans ce qu’il a de plus vrai, de plus heurtant peut être mais nous l’avons fait avec délicatesse.
Avec tout ce qu’il compte d’injustice et de violence, le monde cache dans le coeur de ces enfants la promesse d’une insouciance que rien ne semble atteindre.
Quand chaque matin nous nous sommes levés pour leur offrir un simple bol de riz, qu’ils en furent reconnaissant tout en nous faisant croire que ce n’était pas même cette nécessité la plus importante, on admirait leur force. Cette force nous l’avons nous même oubliée, plus encore bafouée. Eux la cultivent non par besoin mais par espoir.
Sokah a deux petits frères. Lorsqu’elle se pend à mes bras chaque jour, elle les garde toujours au coin de l’oeil. Elle veille sur leurs assiettes et s’assurent qu’ils la terminent avant d’entamer la sienne. Puis elle m’apporte ses quatre récipients d’aluminium que je remplis toujours plus que de raison parce que je sais qu’ils nourriront pour un jour une famille entière de la rue. Alors que le monde la bouscule et la presse, elle ne me quitte qu’après de longues minutes de sourire, après s’être assurée que je serai bien là demain. Elle prend ses deux petits frères par la main, les hisse à l’arrière de sa bicyclette déjà trop grande pour elle et Phnom Penh les reprend dans sa circulation chaotique.
Sokah a treize ans, et je l’admire.
Elle et tous les autres dont je voudrai pouvoir conter l’histoire.
Nous voudrions donner ici l’élégance chaleureuse d’un foyer et ce n’est pas un vain pari parce que c’est ce qu’ils semblent trouver à nos côtés, aussi sommaires que soient nos moyens.
Le « restaurant » est un repère à l’abri de toutes brusqueries, celles dont on ne peut les préserver lorsqu’ils rejoignent la rue. Entre ces murs ils ne sont plus mendiants, ils ne sont qu’enfants.
On y sert à manger, on y rit sans retenue, on y console parfois.
Qu’importe l’avenir, nous pleurerons plus tard ceux qui de toute évidence s’en prépare un désolant, le but est d’offrir un peu de légèreté au présent.
Mais la grande force de ce lieu, porté par tant de belles personnes, est qu’il fait ce lien vers le futur, il s’inquiète de ceux qu’il nourrit, et pour une poignée de riz que l’on donne on tente d’en mettre un maximum sur les bancs de l’école. Il n’est pas question naïvement de penser changer le monde, la seule certitude est celle d’offrir une chance pour quelques vies.
A SFODA, l’orphelinat parmi tant d’autre, j’ai découvert qu’il y avait du bonheur. Si simple et accessible qu’il serait offensant d’en douter.
Le quotidien n’est pas aussi beau que notre immersion nous le fait paraitre mais la grande vertus de ces petites âmes est de cacher le mal pour n’en retenir que la force qu’il donne pour apprécier le bien.
En coloriant j’ai redécouvert des plaisirs oubliés. En donnant quelques notions d’anglais, j’ai rencontré un auditoire avide de connaissances, appliqué, attentif et persévérant. En m’épuisant sur un trampoline j’ai réalisé que je n’avais plus dix ans mais que ce n’était pas important tant que je les faisais rire.
En vivant avec eux, nous apprenons sur nous.
Le Cambodge a tant de visages.
Ceux de ses temples centenaires qui vous ôtent un peu de votre souffle, ceux de ses rues encrassées qui jamais ne se taisent, ceux de ses plages désertes qui vous font croire seul au monde,et ceux enfin de ses enfants qui vous rappellent inconsciemment les lois de l’existence.
Nous sommes volontaires pour aider, se disant que peut être nous aussi, nous pourrions « apporter » quelque chose dans cet immense territoire qui n’a que trop de besoins.
Alors trois semaines se passent à côtoyer ces mêmes regards qui s’accrochent à vous autant que vous le faites.
Oui, il est temps de conclure. Est ce le bon mot ? Aurait on l’innocence de croire que pareille parenthèse puisse trouver conclusion ?
Il est peut être temps de comprendre finalement. Comprendre que nous sommes, et fort malheureusement d’ailleurs, les vrais gagnants humains de ce timide passage. Il ne trouve pas de conclusion parce que son souvenir est impérissable et son enseignement intemporel.
En trois semaines au Cambodge nous pouvons laisser de l’énergie, du temps, des sentiments et par une égoïste injustice, ce que nous laisse le Cambodge ne trouve pas même de mots pour être exprimé.
Nous avons cru pouvoir donner.
Finalement nous avons beaucoup reçu.
En serrant toutes ces mains dans la vôtre une dernière fois, veillez bien à garder vos larmes à l’abris de leurs yeux, parce qu’avec eux nous n’avons droit qu’au bonheur.
J’ai le sentiment que votre voyage dure …… et dure….tellement vous nous avez fait sentir des odeurrs, invité à faire une pause dans notre quotidien effréné, partagé des moments privilégiés, relativiser en nous imprégnant des atmosphères de vos photos. J’ai presque honte d’être égoïste et de vous poser cette question mais quand serez-vous à nouveau parmi nous Marine?
Et je crois même qu’il durera encore bien au delà de mon retour en France… prévu vers la fin avril.
MErci et merci encore Madame K. de faire partie de cette grande aventure.
Pas de honte, l’égoisme a quelques vertus, voyez le vôtre me fait chaud au coeur.