Au bus local qu’il a fallu emprunter pendant quelques heures, nous pardonnons la rudesse de ses assises et la témérité de son chauffeur.
A la route de terre, nous pardonnons ses lacets abrupts, et ses reliefs impromptus.
Au bateau qui a conclu le parcours, nous pardonnons l’inconfort de sa mécanique.
Parce qu’aussi longue que fût l’épopée, l’on devine à son chapitre final un écrin de vie sauvage à l’abri des regards, dans les recoins inconnus de la province de Sayaboury, où l’on vient voler quelques jours hors du temps.
Un bout de terre que rien ne dérange, une eau si paisible que fendre son étendue sur une bicoque de bois est une effraction douloureuse.
Le soleil s’écrase sur une nature dense qui pousse sans complexe entre deux bungalows, seules empreintes chétives que les hommes laissent ici. On le regarde faire sa ronde entre l’Est et son antipode sur l’une des deux rives de ce lac imperturbable, qui nous encercle et nous emprisonne sur cette île.
Une île où le monde est intact, où la faune est reine sans déranger la flore, où le réveil est une symphonie naturelle parce qu’à toute occasion laissée, la nature se fait bruyante dans sa quiétude.
Nos premiers voisins sont des géants mais leur pas sont délicats, ils barrissent et s’effraient parfois, restent humbles et précieux. Les éléphants de Sayaboury sont de grands enfants timides.
Dans ce havre paisible, ils vivent avec l’homme comme compagnon de vie, comme un frère minuscule capable d’en prendre soin.
S’ils nous laissent parfois grimper sur les hauteurs de leurs larges épaules, entre deux oreilles qui battent l’air, c’est dans une confiance mutuelle qui nous fait oublier qu’en une seconde seule ils pourraient nous renverser.
En pataugeant dans leur bain, ils aspergent leur peau grise et fripée de l’eau boueuse restée sous pression dans leur trompe, un geste élégant dans une marre trouble.
Leurs grosses gueules s’immergent, on les perd presque de vue quelques secondes avant qu’ils se hissent à nouveau dans la ligne d’horizon. Joueurs et bons athlètes, ils donnent à ce moment l’attrait d’un privilège secret.
Ces grandes bêtes sauvages jouent de coquetterie, nous regardons l’instant en spectateur naïf, découvrant que la vie peut être à la fois majestueuse et gracieuse.
Dans les pattes de sa mère, la nouvelle génération se débat avec une trompe trop grande et des gestes imprécis, il en devient difficile de concevoir que quelques tonnes de plus s’y grefferont d’ici quelques mois.
Dans cette attente de puissance, le petit éléphanteau est un joyau précieusement chôyé sous protection maternelle, gardez vous bien d’en tester la rigueur, vous y risqueriez une inégale confrontation.
Equation simple garante d’équilibre, à chaque éléphant son cornac, le protecteur et son colosse unis dans une complicité mystérieuse que rien ne trouble ni n’enfreint du début de la vie jusqu’à maturité. Il connait de l’animal ses faiblesses et ses craintes, ses humeurs et son langage quand le premier reconnait la voix, les gestes et l’attitude.
S’il est possible de briser l’âme de ces géants par la violence, leur respect ne se gagne que par la douceur et c’est bien d’elle dont use chaque parcelle de ce paradis.
En fin de journée, quand la lumière fatigue nous nous enfonçons dans la jungle pour y abandonner le troupeau. La nuit leur appartient dans l’intimité d’une verdure hostile.
Sur leurs larges semelles feutrées, ils se fondent dans l’inconnu, nous laissent étrangers dans un monde qui ne nous appartient pas et que l’on savoure d’autant plus, invités chanceux de la simplicité.
magique ❤️
incroyable….
coucou Marine
ouah, quel périple qui continue et qui nous transporte si loin de la frénésie quotidienne!
mon fils, passionné de voyage (il a de qui tenir!) fait connaissance avec ton blog à son plus grand plaisir; nous rentrons d’Asie mais moins loin et surtout beaucoup moins long!!! comme dirait mon fils, croque dans la pomme, c’est un merveilleux moment de ta vie;
Bises
Sandrine H.
Un lecteur de plus ! super !
Visiblement il n’a pas besoin de ce blog pour lui donner le goût de l’aventure mais il y trouvera peut être quelques idées ! J’espère que votre voyage en Asie s’est bien passé, mais je n’ai aucun doute, cette partie du monde est rarement décevante…!
Merci Sandrine, à bientôt.
Voilà qq mois et tu m’a déjà oubliée…..et pas reconnue!!!
quel enivrement ces voyages Marine!!!!
Bisous
Sandrine (Epinal)
Bien sûr que si je t’ai reconnu !
Pourquoi penses tu le contraire ??
J’en vois beaucoup en voyageant mais j’ai une grande memoire , je n’oublie pas si facilement !