Des frontières étroites pour de si hautes terres et des sourires limpides pour de si froids espaces.
J’ai connu le Népal et ses chemins escarpés, ses morceaux de montagnes que l’on tente de dompter et ce quotidien que l’on combat avec l’humilité que ses maigres ressources impose.
Aujourd’hui oublié dans l’enfer d’un monde qui s’est retourné contre lui, mis à nu dans son enclave par les assauts de son propre sol, je me souviens d’un Népal sans égratignure.
Je n’ai pas compté les pas que je lui ai offerts mais je me souviens des regards que j’ai croisé. L’horizon s’y reflétait, comme une empreinte indélébile que ce pays pose sur ceux qui l’apprivoisent.
Il parait que ces sommets sont froids et je n’y ai trouvé que chaleur humaine, il parait que l’ascension est féroce mais je ne me souviens que de la beauté de ses détours.
Cet infime bout d’Asie qui affronte la colère du monde aujourd’hui, ne m’a offert que ses douceurs.
Il est difficile de plonger dans cette mémoire en repensant ces espaces balayés par les éléments, ces mains que j’ai serrées s’affairant aujourd’hui à reconstruire un monde qui s’est étiolé sur quelques secondes, et ces souffles de vie éteints que la montagne a dérobés pour toujours.
Si les pensées écrites ne sont ni des armes ni des secours, elles sont pour moi un salut au courage de ces habitants, qui taisent leur douleur pour se reconstruire.
Dévastés par la Terre qui a tremblé, engloutis sous cette vague médiatique éphémère, j’aimerai prolonger l’attention que l’on a tourné vers ce pays, lui redonner l’allure que je lui ai découverte et qui le définit, que le regard du monde se pose sur le Népal que j’ai connu.
Sans désolation ni terreur, où seule la beauté est ravageuse et la misère fondue dans l’humilité.
J’aurai aimé que s’éternisent ces sourires, perdus aujourd’hui dans les pierres des vallées, que rien n’accable encore cette terre touchée par la malédiction de sa singularité. Elle tremble en silence jusqu’à l’exubérance de ces 90 secondes qui détruisent les hommes.
Ceux là même qui n’ont pour seules ressources que force et dignité, et en usent sans rancune pour redessiner cette nature qui les a sauvagement blessés.
Je pense à ces rues que j’ai arpenté, aujourd’hui décor d’un chaos indéfinissable, à cette mousson qui s’apprête à noyer des tentes de fortune où les Népalais dorment toujours, et aux yeux du monde qui ont découvert un Népal affaiblit alors que je me souviens d’un Népal puissant dans son humanité.
Je n’oublierai rien de cette force qui fait de ce peuple si pauvre, l’un des plus aptes à se relever.
J’ai connu le Népal il y a quelques semaines et j’ai cru que l’Himalaya faisait sa grandeur.
Je le regarde aujourd’hui se battre pour survivre et j’ai compris que sa grandeur n’émanait que de ses hommes.
A tous les Népalais qui m’ont si chaleureusement accueillie,
Vous continuerez à vivre dans mes pensées, aussi beaux et sereins que je vous ai connus.
Et à ces deux petites âmes que j’ai rencontré dans le village de Langtang, dont la vie fût bien trop courte.
Que votre rire résonne encore longtemps dans ces montagnes que vous rendiez si belles.
très beau et touchant à l’extrême, Marine, ce terrible drame récent donne un bonus de résonance à tes mots toujours si justes, nul doute que ce texte « remuera »bien des consciences et le visage de ces deux enfants si injustement fauchées par le destin ne s’effacera sûrement pas facilement.
Ce petit peuple courageux trouvera sûrement en lui les ressources pour se reconstruire, je souhaite qu’il puisse accéder à des écrits comme les tiens pour y puiser un surcroît de courage