Des pieds se bousculent, des épices se mêlent et parfument l’air de l’habitacle, des visages se croisent et des mains s’agrippent, des jambes pendent enfin par les portes toujours ouvertes de ces wagons âgés.
Le Sri Lanka défile au dehors des fenêtres, un paysage humide et vert où les plantations de thé donnent l’illusion de la perfection. Les montagnes s’ombragent parfois au détour d’un nuage et la fraicheur peine à apaiser notre souffle dans cette atmosphère confinée.
Le train poursuit sa course, un trajet lent et audacieux dans les reliefs de ce pays où seuls quelques maigres villages rompent timidement l’horizon.
Les brèves averses de mousson que l’on rencontre hâtent la montée des retardataires, les cheveux noirs détrempés, le sourire aux lèvres, ils courent après le convoi pour s’y engouffrer dans un dernier élan. Ce convoi qui n’attend ni ne refuse personne, où se fondent sans heurt les couleurs et les odeurs, les générations et les regards. Car dans ce microcosme mouvant, le monde s’épie un peu, pour se jauger et se connaître sans se servir des mots.
Les exubérants frappent des tambours, les plus jeunes hurlent dans le noir des tunnels que l’on traverse, les enfants se fendent d’éclats de rire. Peut être est ce notre assise, sur ce sol poisseux de la troisième classe, camouflés derrière des paires de jambes et de bagages qui prête à tant de dérision. Intrus sans l’être, les yeux se posent sur nous avec bien plus de bienveillance que de surprise.
Au milieu de cette cohue circulent presque sans mal les vendeurs à la sauvette, un panier de beignets porté à bout de bras et une voix forte qui en scande les vertus.
Il n’y aurait besoin de rien d’autre : Ces rails usés, cette odeur si forte et imprégnée de saveurs pimentées, ces mains sales qui se tiennent aux murs et cette nature vierge, parfaite, dont le calme offre un écho gracieux au vacarme du train qui la traverse.
Peut être sept ou huit heures, le spectacle ambiant nous a permis de l’oublier, mais la route se stoppe enfin dans une gare silencieuse. Encore engourdis des contorsions imposées par le manque de place, nos corps se délient dans le petit village d’Ella. Cerné de montagnes, il est une pause appréciable, comme un remède immédiat à l’agitation qui nous a secoués.
Rares échoppes, restaurants minuscules qui servent les meilleurs riz curry, cascades et champs de thé, tout ici prédispose au calme.
Cet itinéraire contradictoire est une vitrine de ce pays surprenant : Ses routes sont impraticables et gorgées de beauté, comme les gardiennes de lieux si apaisants qu’ils seraient presque indignes d’y accéder sans encombre.
Ca donne envie d’aller découvrir le Sri Lanka… On en prend plein les yeux une fois de plus….
J adore cette photo…!!!!!!