Voyages en sac à dos

Pékin en janvier, écharpe et bonnet

L’hiver consomme Pékin, prend place dans chaque ruelle, dans chaque place trop vaste où le vent se dépense. Et la ville ressemble à ce qui la définit : un monde figé où rien ne dépasse, rien ne se souille, rien ne se fait entendre plus fort que les tambours qui résonnent dans les temples.
Il y plusieurs mondes dans ces frontières, Pekin en offre des aperçus perceptibles et déroutants.

Ville mystique où les murs de mille pagodes jouissent encore de leurs premières couleurs, si préservées qu’elles furent par une foi qui force à tant de soins.
Les toitures dorées règnent sur les hauteurs de collines que l’on grimpe en bravant cette brise hivernale glacée qui rend à l’ascension ses airs de sacrifice.
Le ventre de Bouddha ne souffre jamais de cette hauteur, l’éclat de son or fait face au soleil sans en rougir et il rassemble encore plus de fidèles que l’astre lui même. Ils viennent s’agenouiller sur de petits bancs de bois et déposer leur bâtonnet d’encens, alors que bien plus bas Pékin se presse de courir vers demain.
La surprise tient au fait qu’elle avance en se nourrissant de ses traditions millénaires, de ses coutumes héritées de dynasties dont on serait bien prétentieux de croire en comprendre l’enchainement.
On s’oublie dans la cité interdite, ville dans la ville elle même où les cours sont trop spacieuses et les palais trop luxueux pour être appréhendés en une seule immersion.
Gardée par des uniformes qui inspectent chaque allée et venue, la cité n’interdit que l’indifférence. A cette saison, les lacs sont gelés, soulignant encore l’intemporalité de ce tableau vu de ses hauteurs.

Nombreux sont ceux qui dessinent les contrastes de Pékin : le temple du ciel, des lamas, de la paix céleste, de la musique divine, de Confucius, de l’intellectualisation, le palais d’été… On se nourrit de l’atmosphère de paix qui y règne, approfondit par ce silence que seuls les oiseaux osent rompre, et puis l’on en ressort un peu abasourdi par tous ces siècles divins qui nous sont tombés dessus, pour se heurter à la modernité.
Le parc olympique et ses fondations démesurées, le théâtre national et sa bulle de verre qui flotte sur l’eau.
Ville moderne au milieu d’un écrin traditionnel qui se répand de manière tentaculaire sans y perdre en perfection.
Ville verte où chaque quartier offre ses kilomètres de parc que l’on sillonne sans jamais en deviner la fin, puisque toutes les portes que l’on y traverse cachent tant de destinations possibles.

Les rues sont propres et si vastes qu’il faut emprunter des tunnels souterrains pour les traverser. Mais sorti de ces artères trop encombrées, on se confronte là encore au Pékin d’antan et ses « hutong », petites ruelles de pierres grises qui abritent la vie de ses citoyens avec un peu plus de chaleur et de proximité.
Il faut s’y perdre pour en apprécier la valeur, et se laisser guider par la lumière de ces lanternes qui éclairent la nuit, espérant perdre un peu de l’anonymat ambiant.

Car cette ville est sa propre citoyenne, elle prend à ses hommes leur place en ne nous offrant que ses multiples profils. On ne voit plus qu’elle et son rayonnement, laissant ses citadins ne former qu’une masse trop floue.
La distance que l’on ressent ne tient pas tant à ce langage, inaccessible pour les novices occidentaux que nous sommes, mais à la culture d’une retenue qui transparait dans chaque rencontre. Par soupçon peut être, ou parce qu’ici tout se suffit à lui même.

La Chine se poursuit à l’intérieur de chaque espace, elle cultive ce mystère que l’on ne peut que lui reconnaître : est -il possible d’en faire le tour ? de s’immiscer un tant soit peu dans ce rouage si loin de notre culture ?
Pekin est la première à nous répondre, on se heurte à la froideur de ses briques et l’on se réchauffe dans ses temples, regardant cette ville comme l’on apprécierait le tableau d’un artiste : On admire la beauté de l’oeuvre, mais on ne saura jamais vraiment ce qu’il a voulu dire.

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2 Commentaires

  1. MP MP
    20/01/2015    

    Que le depart a du etre difficile de ce Cambodge que tu nous a tellement bien decrit et surtout tes petits Cambodgiens de l’orphelinat a qui tu vas manquer j’en suis sure car la tu etais a la place ou tu devais etre,je suis heureuse pour toi de cela car tout cela te ressemble ,une belle aventure pour une belle personne,bien sur tu nous manques mais comme tu vas rentrer riche de toutes ces emotions je me vois mal t’en priver pour l’instant.Ici aussi c’est echarpe et bonnet, je t’embrasse bien fort.

  2. Marine Marine
    21/01/2015    

    Effectivement MP, ce fut bien difficile… de quitter un bonheur si simple et de trouver la force de poursuivre l’aventure sans eux. Ils me manquent déjà beaucoup au milieu de mes rues chinoises !
    Mais le voyage se poursuit, pour en découvrir encore et encore..;
    Merci pour tes mots qui me touchent toujours énormément. N’oublie pas que d’aussi loin que je me trouve, vous me manquez tous et que ce blog me permet de vous faire voyager avec moi…
    Je t’embrasse bien fort depuis Pékin.

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