Voyages en sac à dos

Angkor un jour se lève

Les premières marches se grimpent dans l’obscurité, la nuit est encore presque fraîche et il a fallu tromper l’aurore pour arriver à temps.
Nos yeux ont beau scruter l’horizon, ils n’y trouvent que l’ombre contre laquelle se heurter comme si jusqu’au dernier moment le secret de cette vue devait se taire pour mieux surprendre.
Angkor Vat est prêt à se réveiller devant nous qui ne le connaissons pas encore.
Le soleil éclôt timidement, les lumières changent, éblouissent, arrosent les nuages de tons irréels et finissent d’ouvrir nos paupières abattues par ce réveil précoce. Il n’est nul besoin de tenter de capturer cet instant, il est furtif et nous échappe, les secondes s’épuisent donnant à ce spectacle la magie d’un privilège qui n’émerge qu’en fugitif.
Les pierres se découvrent à la faveur des premiers rayons et se dédoublent dans l’eau en une symétrie parfaite que pas même les nénuphars ne perturbent. Les teintes du ciel se noient dans la terre, et notre regard n’est pas assez précis pour en capturer les nuances.

Tout est prêt pour un nouveau soleil, les colonnes des temples se réchauffent, l’encens embaume les couloirs, les statues de Bouddha s’éveillent avec la même constance.
Des hectares de temples attendent que nos pas foulent ce sol millénaire et que nos yeux se posent sur des fresques dont le mystère nous échappe.

De l’un à l’autre on emprunte des chemins envahis par la jungle, qui règne sur le site comme un gardien imprenable.
Chaque détour est un labyrinthe de corridors dévorés par le temps, les pierres se fondent dans cette nature si dense avec une telle aisance que l’on pourrait les croire encastrées depuis toujours en ces lieux, étranglées dans les racines.
Les visages sculptés dans l’éternité de ces dalles surveillent notre découverte et s’étonnent peut être de notre volontaire langueur.
Il est simple de perdre son chemin mais c’est finalement ce que l’on cherche, être apprivoisé par ces pierres plutôt que de les survoler en étranger indésirable. Elles peuvent nous avaler si nous leur laissons le temps de nous tourner la tête.
Voulant goûter un peu de cet infini, on s’attarde parfois sur les derniers mètres d’une tour pour contempler l’horizon que ses soeurs entaillent depuis quelques siècles déjà.

La chaleur se fait étouffante, l’expédition devient épopée alors qu’autour de vous les singes bien plus habiles rient de votre souffle trop court.
On escalade le temps, on médite sur les mystères de ce site tandis que des moines imperturbables y déambulent.
Les enfants trouvent ici un refuge confortable, promesse éternelle de mille cachettes et leur sourire surprend au détour de chaque pierre comme pour leur donner un peu de la mouvance qui manque à leur sérénité centenaire.
Angkor rallie son histoire à la candeur de ses dernières générations et son profil en déborde d’une vie qui ne peut s’éteindre, qui est passée et présente à la fois.

C’est en toute confiance en ce lendemain inévitable que l’on regarde le soleil s’éteindre, perché sur une de ces pagodes. Il reprend en se diluant la couleur de la toge des moines, à moins bien sûr que ce ne soit l’inverse.
Angkor se rendort mais ses pierres sont encore chaudes.

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3 Commentaires

  1. Nathan Nathan
    17/12/2014    

    « le docteur D. marine est prié de rentrer en France afin de justifier d’un délit de mauvais gout, vous êtes recherché par la police des blagues vaseuses pour je cite « ANGKOR UN JOUR SE LÈVE », vous êtes attendu au palais de justice a Paris demain 14h frais de pirogues non remboursés. » signé: Flanbi

  2. Marine Marine
    18/12/2014    

    J’étais obligée de la tenter….la cour de justice comprendra qu’après un mois à manger du riz, forcément, l’humour décline !!!

  3. Nathan Nathan
    18/12/2014    

    j’ai beaucoup riz

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Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Charles Baudelaire