Voyages en sac à dos

Le marché aux poissons

L’air ne sentait rien. Autour de moi pourtant plus de 500 espèces marines différentes, de toutes sortes, à écaille, à coquille, des kilomètres de galeries dans un hangar humide logé en plein cœur de Tokyo. Et pas une odeur. Ou peut être alors, de manière subtile, l’agréable nuance de l’iode.
C’est sûrement bien cela qui fait de Tsukiji, non seulement le plus grand marché aux poissons du monde, mais aussi le plus remarquable : alors même que la mer se vend aux enchères ici tous les matins et que notre vue est dépassée par cet horizon d’étalages, poissons et crustacés n’ont pas même le temps de se faire sentir.
Trop frais, trop vite exposé, emballé, acheté, l’agitation fuse de tout côté, on découpe, taille, nettoie, crie, s’échange des billets, alors que les survivants s’éternisent dans leurs dernières marres d’eau.
Sillonner ces allées, c’est plonger dans l’exubérance d’une consommation que l’on soupçonnait sans authentifier, c’est démasquer l’emprise du Japon sur cette mer qui les nourrie, dans un ras de marais dont on ressort hagard.
En fin de matinée, la glace des étals commence à fondre, le sol est tout humide, nos chaussures trempées, et cet air, qui a abrité les fonds marins d’un pays, qui a lié la mer à la Terre avec tant de fourmillement, qui s’est engouffré dans les carcasses et a séché les peaux humides des poissons, cet air, ne sent toujours rien.

Autour de ce bâtiment, des gargotes ont poussé par centaines, organisées en petites ruelles, elles dessinent un quartier populaire où l’âme de Tokyo résonne.
Pétries de tradition, elles sont à toute heure noires de monde et volent à cette ville un instant de modernité. Car bien étonnamment c’est ici que s’oxygène cette mégalopole, là où souffle le cœur d’un vieil et authentique Japon.
Les sushis se dégustent debout à même la rue en tentant d’éviter les bousculades et la cohue de la foule. Le poisson tout juste sorti de l’eau surplombe déjà un carré de riz, aligné sur une petite natte de Bambou.
A Tsujiki, la mer déferle chaque jour dans ces venelles sans prétention, si bruyante, si fraiche, si savoureuse, qu’elle nous semblerait presque vivante encore…

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Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Charles Baudelaire