Voyages en sac à dos

Delhi

Le ciel est dense, opaque, d’un blanc laiteux. Tout autre nuance de couleur a depuis longtemps disparu dans l’épais manteau de pollution. Les Indiens de Delhi vivent sous une lumière d’une triste monotonie. L’air lui même n’est plus translucide. A la place, une fine brume grisâtre faite de poussière, d’encens et de gaz d’échappements s’accroche aux yeux. Nous sommes loin des sommets d’altitude du Ladakh mais c’est ici que l’oxygène semble se faire plus rare.
La cohue nait de toute part, en tout sens, à tout moment. Pour se frayer un chemin à travers les motos, les cyclistes, les bêtes et les hommes transpirants qui tirent leur carrioles, l’expérience demande un calme qu’il est difficile de maintenir. Chacun de nos sens est à son tour heurté.
La vision de la misère prend des aspects repoussants, des gueules ravagées des éclopés qui dorment à même un sol brûlant piétinés d’indifférence, jusqu’aux corps des rats morts qui jonchent un sol crasseux.
L’odeur difficile à définir mêle la saveur des épices au relent nauséabond de la macération.
Le bruit est usant et tambourine dans notre crâne un concert de klaxons, de moteurs vieillissants et de voix fortes qui s’épuisent dans une langue inconnue.
L’atmosphère moite, collante, en devient étouffante.
Il n’y a pas de répit dans ce dédale de rues étroites, pas un coin de fraicheur, l’espace est envahit mais n’appartient à personne. Les échoppes qui se suivent contrastent avec le gris du pavé, elles débordent de ces coutures dorées et motifs extravagants qui enrobent la misère humaine. Les femmes qui portent le sari donnent à la rue ses touches de gaieté. Aux dessus de nos têtes l’enchevêtrement  de milliers de câbles électriques danse dangereusement sans répondre à la moindre logique, mais offre semble-t-il une assise confortable aux singes des rues qui nous toisent.
Les bâtiments de pierre semblent tous gris tant les affronts d’un tel quotidien en ont consumé les nuances. Leurs corps respirent le manque, la nécessité. Ce monde est insondable, se dressant comme une barrière infranchissable pour notre esprit aseptisé.
Les regards s’attardent sur notre peau claire, les mains se tendent en espérant la pitié que nous prenons à peine le temps de comprendre, les yeux réclament et font un mal à crever.
Delhi passe, Delhi nous renverse

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Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Charles Baudelaire